Ayant vécu à une période charnière qui fut marquée par l'invasion de Rome par les Goths en 410, Jérôme est l'auteur d'une oeuvre magistrale éminemment contributive de la culture antique qui nourrira l'Occident chrétien du Moyen-Age. Outre ce pont historique, la vie de ce grand personnage de l'Histoire de l'Eglise qu'est Jérôme constitue également un pont culturel entre l'Orient et l'Occident.
La vie de Jérôme
Jérôme naît né en 347 (ou 331 ?) en Dalmatie, à Stridon, au sein d'une famille chrétienne plutôt aisée. Il part pour Rome suivre des études de grammaire auprès du célèbre grammairien Donat, puis pour Trèves où il ne séjournera que brièvement et retourne en Italie du Nord.
Jérôme sera saisi par la ferveur chrétienne des clercs d'Aquilée nourrie par la mémoire du grand pourfendeur de l'arianisme : Athanase.
Il est baptisé à 20 ans puis gagné à l'idéal ascétique à la suite du songe dans lequel il se voit accusé de ne pas être chrétien mais disciple de Cicéron. Ce songe le marque à un point tel qu'il décide de s'exiler dans le désert de Chalcis où demeurent de nombreux ascètes. Il y mène une existence d'ermite, étudiant l'Écriture Sainte et s'initiant à l'hébreu.
Mais l'intellectuel qu'il est se heurte à l'inculture des autres moines dont la vie était rythmée par d'incessantes querelles. Jérôme décide de réintégrer l'espace urbain et part d'abord pour Antioche où il est ordonné, puis Constantinople, où il parfait sa formation d'exégète au contact d'Apollinaire de Laodicée et du célèbre Grégoire de Nazianze ; il y entreprend une traduction des homélies grecques d'Origène.
Il rentre à Rome en 382 pour un concile œcuménique et décide d'y demeurer. Fin interprète, il devient secrétaire du pape Damase et est admis dans les cercles aristocratiques. Il y exercera des fonctions de précepteur auprès de dames de la noblesse, dont Marcelle et Paula, désireuses d'étudier les Saintes Ecritures.
C'est au cours de cette période qu'il rédigera sa fameuse lettre à Eustochium (fille de Paula) traitant de la virginité et relatant le songe de Jérôme sur son ambivalence chrétienne et profane.
Voir le songe de Jérôme.
Il réalise également la traduction en latin des Pères grecs, tels Didyme et Origène, des évangiles et des psaumes.
Ses positions ascétiques tranchées le posent souvent en censeur des mœurs romaines d'alors. Lorsque le pape Damase meurt en 384, Jérôme est faussement accusé d'être trop proche de Paula. Il est condamné au cours d'un procès ecclésiastique et doit s'exiler. En 385, il retourne en Orient où il est bientôt rejoint par Paula devenue veuve et sa fille Eustochium. Il s'installe durablement à Bethléem où, quelques années plus tard, se crée une communauté de moniales.
C'est à Bethléem qu'il va poursuivre ses travaux de révision de la traduction latine des Ecritures et entame une traduction globale des livres de la Bible hébraïque (d'après les textes hébreux). Son idéal de la " veritas hebraica " visait à offrir aux chrétiens la possibilité de défendre les titres messianiques du Christ face aux érudits juifs.
C'est de ces travaux magistraux que sortira la Vulgate, achevée après quinze années d'intense labeur (en 405) et qui deviendra la traduction officielle de l'Occident chrétien.
Parallèlement, Jérôme rédige plusieurs commentaires de l'Écriture et milite pour un rigorisme strict de la vie chrétienne. Il se lance dans des controverses éreintantes, face à Jean (évêque de Jérusalem) et Ruffin (son prêtre) au sujet des erreurs d'Origène. Jérôme est excommunié par Jean et frôle l'expulsion en 395 ; une réconciliation s'opère néanmoins entre les deux hommes en 397.
En 404, Jérôme entame une nouvelle controverse contre Vigilance (lequel attaque le culte des martyrs) puis, en 414 il se rallie à Augustin face aux pélagiens outrancièrement optimistes quant à la nature humaine.
Paula meurt en 404 ; les dernières années de la vie de Jérôme sont des plus tristes : de nombreux disciples décèdent, puis en 419 Eustochium meurt à son tour.
Jérôme meurt le 30 septembre 420.
Commentaire sur sa vie
Jérôme est, aujourd'hui encore, un saint critiqué pour son caractère entier et son inconditionnelle propagande d'un idéal ascétique. Il fut un polémiste vif et acerbe, parfois excessif.
Mais ce portrait ne saurait décrire l'homme dans sa complexité et sa richesse. Au-delà de ses écrits et des débordements de sa personnalité, Jérôme fut un serviteur passionné de la cause du Christ. C'est en son nom qu'il entrepris sans ménagement la traduction massive des textes qui donnèrent naissance à la Vulgate. Il défend ainsi ses travaux dans son commentaire du livre du prophète Esaïe : "Ignorer les Écritures, c'est ignorer le Christ."
Son contemporain Postumanius (cité par Sulpice Sévère) le décrit en ces termes : " Lu dans le monde entier ", " incomparable en toutes sciences ", " tout entier dans les livres ", et " ne se reposant ni jour ni nuit. "
Quoique n'ayant pas le rayonnement d'un Origène, ni l'originalité d'un Augustin, Jérôme se s'est acquitté d'une tâche encyclopédique répondant aux besoins de ses contemporains.
Ses œuvres considérables couvrent un large spectre : épistolaire, polémique, exégétique, hagiographique, homilétique, historiographique.
Jérôme se présente comme un véritable conciliateur de l'Orient grec et de l'Occident Latin, des traditions juives et des enseignements de l'Eglise, entre la culture profane et l'héritage chrétien.
Son œuvre magistrale : la Vulgate
Ce travail execpetionnel, nous l'avons vu, consista à réviser la traduction latine du Nouveau Testament puis à traduire les textes originaux en hébreu et en araméen de l'Ancien Testament. C'est cette version qui devait au 8è siècle devenir la référence universelle de la chrétienté.
Le terme de Vulgate (vulgata editio , édition employée communément) apparaît à la fin du Moyen Âge.
En 1546, le concile de Trente déclare que " la vieille édition de la Vulgate, approuvée dans l'Église par le long usage de tant de siècles, doit être tenue pour authentique dans les leçons publiques, les discussions, les prédications et les explications, et que personne ne doit avoir l'audace ou la présomption de la rejeter, sous aucun prétexte ". C'est donc elle qui fait autorité en l'Eglise.
En 1456, la Vulgate est imprimée par Gutenberg ; Erasme l'éditera également en 1528. Une édition dite définitive est publiée sur l'ordre du pape Sixte Quint en 1590. En 1592, le pape Clément VIII demande sa révision ; elle demeure connue comme la Vulgate sixto-clémentine.
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